Extrait de The Independant (11 avril
2000)
Article de Ian Herbert, Northern Correspondent
Traduction de Patrick Ducher pour Le rÔdeur
Le village de Portmeirion, au nord du Pays de Galles, qui a été immortalisé par la
série culte des années soixante-dix Le Prisonnier, a attendu 33 ans que l'acteur Patrick
McGoohan ne prononce l'une de ses paroles incompréhensibles sur le grand écran.
"Bonjour chez vous" était la phrase-clé de McGoohan, alias le N° 6, ou Le
Prisonnier qui ne voulait pas se faire ficher, classer, estampiller,
En dépit de
promesses fréquentes, le mini-village de style italien bâti par Clough Williams-Ellis
n'a jamais revu McGoohan, qui était le producteur de la série, mais également le
scénariste et l'acteur qui jouait le rôle de cet agent du gouvernement kidnappé dans un
endroit où personne ne porte de nom.
Mais hier, après des années de rumeurs et d'espoir, il semblerait que McGoohan soit
prêt à revenir sur les lieux. Hollywood a annoncé des plans pour réaliser la version
cinéma de la série et des éléments donnent à penser que le film sera tourné à
Portmeirion.
McGoohan, qui en a écrit le scénario il y a au moins six ans, sera le producteur
exécutif du film qui sera fait pour le compte de Universal et réalisé par Simon West
("Les ailes de l'enfer", "La fille du général"). Selon les propos du
producteur Barrie Mendel: "Je suis persuadé que Simon West et Chris McQuarrie
(scénariste) vont en faire un film cool et commercial".
Universal n'a pas annoncé de lieu de tournage. Ils n'en sont qu'au stade préparatoire
et il est beaucoup trop tôt pour faire des spéculations. Cependant, le responsable du
comité cinématographique du Nord du Pays de Galles, Hugh Edwin Davies, a déjà
contacté les responsables financiers du projet à Los Angeles pour tenter de les
persuader de choisir Portmeirion.
La passion de McGoohan pour le village s'est exprimée dans une lettre adressée à
Richard (NdT : en fait, son prénom est Robin) Llewellyn, le petit-fils de
Williams-Ellis qui est aussi le directeur du village de Portmeirion. "Vous aviez huit
ans quand nous avons envahi les lieux," écrivait-il depuis la Californie. "J'ai
près de soixante-dix ans maintenant. Il est question d'un film. J'en ai écrit le
scénario. Pour la plupart, et avec votre permission, il sera filmé au Village."
Il y a deux ans, il a envoyé un fax lors de la convention annuelle du Prisonnier, qui
a réuni près de 500 participants enthousiastes. "Qui sait ? On pourrait se revoir
à Portmeirion une fois de plus quand le film, qui est en cours de préparation, sera sur
le grand écran".
L'excitation était palpable hier. Quoique le tournage de la série ait pris six mois
à l'époque, de septembre 1966 à mars 1967, il y a encore 24.000 personnes qui visitent
le Village chaque année uniquement à cause de cela. Cela représente dix pour cent de
l'ensemble des visiteurs !
M. Llywelyn a essayé de remettre les choses en perspective. "Nous avons eu un
contact avec M. McGoohan il y a quelques années, mais depuis, plus rien".
"C'est sûr que cela serait une bonne nouvelle."
Dans la boutique du Prisonnier, on trouve des bonbons estampillés "Bonjour chez
vous" à 65 pence, des dessous de tasses "N° 6" et des T-shirts vendus
£8.99, à l'effigie de la phrase de McGoohan "A still tongue makes a happy
life" (NdT : Motus et la vie sera belle).
C'est Heulwen Vaughan-Hatcher, 58 ans, qui se trouve derrière le comptoir. Elle avait
un petit rôle dans la série (elle avait 24 ans l'époque) et se demande si elle pourrait
prendre part à cette aventure. "J'ai joué le rôle d'une fille en bikini, j'ai
conduit une Mini-Moke et j'ai été la doublure d'un Numéro Deux" explique-t-elle.
"Ils pourraient me donner un rôle de retraitée maintenant !"
Les revenus d'un film seraient non négligeables, reconnaît Mme Vaughan-Hatcher. A
l'époque elle a reçu 2 livres et dix pence pour 9 heures de tournage par jour "et
dix shillings de plus s'il faisait froid et que l'on voyait nos jambes devenir bleues. M.
McGoohan était très bien. Je me suis offert un tailleur avec mes rémunérations."
Il y a plus de gens que l'on croit qui connaissent cet endroit isolé au milieu de la
campagne du Nord-Ouest du Pays de Galles. Le film "Lancelot", avec en vedettes
Richard Gere et Sean Connery, a été tourné pas très loin, à Trawsfynydd. Tout le
personnel du restaurant Bont Ddu Hall, à Dolgellau, a reçu une semaine de congés payés
quand l'équipe de Gere a pris possession des lieux.
"C'est vrai que cela rapporte de l'argent," explique Gareth Evans-Williams,
originaire de Harlech, et qui visitait Portmeirion hier. "Ce qui est bien aussi,
c'est qu'ils s'en vont après le tournage. Si on peut contrôler les allées et venues des
équipe de tournage, alors tout va bien." Il semble que M. Williams-Ellis a été
tout aussi content que sa création ait une visée commerciale. Il a assisté à une
projection organisée à son intention par McGoohan dans le village de Penrhydeudraeth et
a déclaré que "Portmeirion semblait voler la vedette aux acteurs". Il a
également dit que la série télévisée "mettait les lieux en valeur".
Il y a un revers à la médaille soit dit en passant. Portmeirion a été vandalisé
lors d'une convention du Prisonnier il y a quelques années. On a cru que les admirateurs
de la série n'y seraient jamais plus admis. Ainsi, il n'y a pas eu de convention l'an
dernier et l'an prochain, l'événement sera avancé au mois de mars en remplacement de la
pleine saison (2 000 visiteurs attendus l'été).
Ce sont les administrateurs de Portmeirion qui contrôlent la boutique du Prisonnier,
qui se trouve dans le cottage même du N°6. C'est un lieu dans lequel la convention a
toujours réussi à tirer de gros profits et proposer des produits dérivés plus
attrayants.
A la boutique hier, il y a avait Kenneth Lawrie de Edinburgh, en vacances dans le Nord
du Pays de Galles, avec sa fille de dix ans, les yeux écarquillés. Ils sont venus à
Portmeirion exprès à cause du Prisonnier. "Qui était le N°1 ?" a-t-elle
demandé à son père. "Tu le sauras en temps utile," a-t-il répondu
habilement.
On trouve de drôles d'endroits sur un lieu de tournage. Dans un journal de 1967, on
lit cette lettre: "Portmeirion est un lieu fascinant. On croise un type sur un Grand
Bi (NdT : un vélo avec une grande roue devant et une petite derrière), vêtu d'un
casque et d'un survêtement."