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par Michel Fenioux

Le Prisonnier a engendré plusieurs catégories de spectateurs. Pour être Simpliste il y a les POUR et les CONTRE. Aux échecs il y a les blancs et les noirs. Mais tout n'est pas aussi simple.

  • Il y a les CONTRE, ceux qui n'aiment pas Le Prisonnier pour différentes raisons ;
  • Il Y a les NINI, les NI POUR et les NI CONTRE, c'est-à-dire ceux qui ne comprennent pas Le Prisonnier ;
  • Il y a les POUR MAIS, ceux qui aiment Le Prisonnier MAIS rejettent avec rage le dernier épisode ;
  • Il y a enfin les POUR, ceux qui aiment Le Prisonnier y compris (ET surtout) le dernier épisode : "Fall Out"/"Le dénouement".

C'est bien sûr schématique car dans les POUR il y a aussi des adorateurs, des costumés, des adeptes de la RAISON, etc. Mon propos n'est pas de faire un descriptif du FAN, d'ailleurs il a déjà été proposé avec justesse et humour dans le rÔdeur. C'est l'enjeu de la bataille du "dénouement"qui m'importe, car il est essentiel dans la portée philosophique du Prisonnier.

Ce qui selon moi a un très grand intérêt chez Le Prisonnier c'est l'aspect métaphysique du "dénouement". La force de cet épisode réside là.

Banni, honni, exécré, jeté aux oubliettes, "Le dénouement" a déçu les fans, de la première heure et même ceux des générations suivantes, du Prisonnier qui auraient voulu comprendre, avoir une fin "normale", une happy-end. Le Prisonnier qui est une série atypique, hors-norme, énorme pouvait-elle avoir une fin banale et cartésienne ? NON. Est-ce que Patrick McGoohan s'est moqué des téléspectateurs ?

Il a allumé une mèche et ouvert une brèche inattendue. Foudroyant. Sidérant.

Un pied de nez ?

Peut-être. Plutôt un pied-de-biche adressé aux "consommateurs" du Prisonnier.

Ne savait-il pas comment finir Le Prisonnier ? Patrick McGoohan le nie. On peut penser qu'il joue au plus fin. Il a le bénéfice du doute. On juge sur le produit fini.

Dans tous les cas il a eu un trait de génie. Dans "Le dénouement" il a ré-introduit 1'HOMME. Lui a donné toute sa place. McGoohan n'a jamais été aussi vrai.

"Le dénouement" dépasse l'imagination. C'est un feu d'artifice, une explosion, une folie salvatrice. C'est un épisode libertaire, une ode à la liberté ponctuée par les paroles hypnotiques des Beatles. C'est aussi le seul épisode où le pacifiste N°6 prend les armes de la liberté. Il n'a pas d'autre solution car, le monstre, le Village se doit d'être détruit. Sur la violence de cet épisode je vais revenir.

Mais ce qui est déterminant au final c'est la voix (rebelle), les interrogations, les doutes, les fulgurances sous le masque de l'ironie de Patrick McGoohan, l'âme du Prisonnier.

Dans "Le dénouement" le N°6 est devenu un "monsieur". Il a gagné le droit de s'appeler "monsieur". Il a retrouvé l'honneur d'être un homme, de ne plus être un numéro. Il est libre. Libre de partir du Village ou de devenir (horreur!) le nouveau N°2, l'administrateur du Village. Mais qui est le N°1 ? Cette putain de question, le téléspectateur se la pose, se l'est posée jusqu'au "dénouement". Maintenant il va savoir. L'ex-N°6 demande à rencontrer le N°1, la véritable puissance qui régente tout dans l'ombre. Le N°1, d'abstraction, devient sous les yeux de l'ex-N°6, sous nos yeux, un homme, un homme masqué. Un homme masqué de noir et de blanc, de yin et de yang. Il s'approche de lui et arrache son masque. L'homme est une bête, l'homme descend de la bête. Sous le masque un autre masque, celui d'un singe. Darwinien. De poupée russe en poupée russe, que reste-t-il ? Une poupée ou le russe? Stupéfaction! Sous le masque du gorille on découvre le visage, grimaçant, ricanant de l'ex-N°6. L'homme est son propre loup. Son propre singe. Le N°6 est le N°1 !!! McGoohan nous a envoyé une pastèque dans la gueule. Un canular ? Pas sûr. Il vient de dévoiler la face cachée. De qui ? La face cachée de l'Homme. La partie d'ombre, le noir qui est en nous. Putaingggg!! ! Le mal en venant à la lumière détruit l'équilibre du yin et du yang, l'équilibre de l'homme. L'homme a VU sa part d'ombre. Il veut la combattre, la pourchasser, l'éradiquer, mais elle lui échappe... dans une fusée !!! Interplanétaire?

L'homme prend les armes et détruit le Village. Le cow-boy pacifiste d'Harmony sait que la rupture ne peut se faire sans mal. A son corps défendant. La violence est inhérente à son combat. Voir à ce propos la dualité du personnage tenu par Tomas Milian face au professeur Gian-Maria Volonte dans le superbe film de Sergio Sollima Faccia a faccia/Le dernier face à face ou Il était une fois dans l'Arizona (1967). Aussi édifiant le chapitre sur la tentation terroriste de certains situationnistes en Italie, remarquablement évoqué par Laurent Chollet (1). La violence ne mène à rien si ce n'est à renforcer le pouvoir en place. Dans un premier temps elle libère le corps mais l'esprit reste prisonnier de lui-même. L'esprit ne se libère pas avec les mêmes armes.

Le Village est anéanti et le Mal intérieur s'est mis en veilleuse et a survécu... à son voyage symbolique. L'homme se doit d'être vigilant, Il a recouvré la liberté. Liberté toute illusoire. La porte de son appartement londonien est la même que celle de son cottage au Village. Le Village est détruit, Il a changé de Village. Son appartement est un Village. Par extension le monde est un Village.

Au générique il reprend la route. Tente-t-il de s'échapper du Village global ? Le Prisonnier se termine en boucle. Le serpent se mord la queue.

L'ex-N°6 va-t-il revenir à son point de départ, au Village ? Quel Village ? Il est détruit. Alors dans un autre village ? Qu'importe, le monde est un immense Village. Où qu'il aille il sera toujours un prisonnier. Il s'est battu. Il a gagné une bataille. Pas la guerre ! Il peut continuer sans fin. C'est la condition humaine.

Prisonnier dans sa tête, le mal en lui ne demande qu'à s'extérioriser. L'homme doit continuer son combat contre son démon intérieur. C'est le combat de l'Homme pour sa propre liberté. Rien n'est perdu d'avance. Son combat est maintenant individuel. Il s'agit, à travers celui du prisonnier, de NOTRE combat.

Dans le combat entre le N°6 et le N°12, dans l'épisode "Double personnalité", c'était celui de l'extériorité de l'homme, de l'apparence qui joue des tours, de l'illusion qui fait vaciller la raison. Dans "Le Dénouement" c'est le combat de l'intériorité de l'homme, de l'individu, qui nous fait prendre conscience que l'homme ne peut être entièrement libre, que sa liberté est conditionnée par l'acquis et son environnement, elle est limitée par l'éducation, les conventions, la Société, mais la véritable liberté de l'Homme est celle de l'esprit, de la raison, de la réflexion et surtout de l'intelligence. Cette liberté intérieure se trouve aussi tamisée par l'autocensure, la conscience ou la morale propre à chaque individu. En s'extériorisant cette liberté démontre contradictoirement la possible plénitude de la liberté de l'homme, par ses choix, ainsi que des limites de cette liberté. car si l'on ne peut pas véritablement s'abstraire de la société, sauf artificiellement par l'usage des drogues d'où une aliénation inévitable et puis vivre seul sur une île déserte m'est insupportable et surtout me semble invivable, l'homme a toujours la possibilité de choisir SA liberté individuelle dans une société dite libre et démocratique tout en sachant qu'il devra pour cela en payer le prix.

L'individu, dont Thoreau est le vrai saint patron, se dresse toujours contre l'Etat ; et ses libertés sont inévitablement destinées à être réduites, proportionnellement à la licence croissante dont jouissent les groupes de pression.

(...) mais il peut encore exercer la liberté de son jugement face aux problèmes d'épistémologie, d'esthétique et de morale, et agir, ou se dérober à l'action, à partir de ce jugement. Il peut aller en prison parce qu'il tient la guerre pour un mal. Il peut tuer, s'il estime, après mûre considération, que c'est la seule réaction possible à une agression contre sa personne, contre des êtres chers, contre ses biens. Il peut voler, diffamer, commettre, écrire ou dessiner des obscénités.

Naturellement, il doit être prêt à souffrir, en échange de l'exercice du libre arbitre, et ce jusqu'à la mort même.

(...) L'important est qu'il n'agisse pas sans la pleine connaissance de ce que signifie son acte. Telle est la condition de sa liberté. (2)

Il va sans dire que le "rebelle sans cause" est dénié. Sa liberté est toute relative car elle ne s'appuie pas sur la raison.

La liberté reçue en offrande dès la naissance s'étiole avec les barreaux de l'extérieur et la prison intérieure. L'homme est le prisonnier de lui-même.

La liberté se prend. Doit se prendre. C'est un combat quotidien.

En prendre conscience est le premier pas. En cela McGoohan d'éclaireur est devenu un passeur. Un passeur d'espoir. Et si c'était cela la morale du Prisonnier ? Ce serait un incommensurable cadeau, certes empoisonné, mais réellement vivifiant car il peut donner un espoir à l'Homme. C'est en cela que l'homme peut devenir libre dans un monde où la liberté est surveillée.

La fin du Prisonnier est un éternel recommencement mais l'ex-N°6 sait maintenant d'où il vient, il a emmagasiné l'expérience qui lui faisait défaut. Hélas, dirais-je. La lucidité est un revolver qui n'est jamais chargé à blanc. Sur la route qui mène nulle part, cheveux au vent, grisé par la vitesse, il est libre. Il se sent libre. Le monde lui appartient... encore. Il a le destin de sa vie au bout des doigts et ses doigts le démangent...

(1) Laurent Chollet - L'insurrection situationniste - Dagorno, 2000.
(2) Anthony Burgess - 1984-85 - Robert Laffont, 1979.

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Dernière mise à jour le 27 juillet 2003.