Mad Old Man
Après
David Tomblin en août 2005 (cf. les rÔdeurs n°53
et 54, 09-12/2005), Kenneth Griffith a lui aussi
décrété que le parfum du jour serait désormais chrysanthème : il a en effet
eu la mauvaise idée de mourir le 25/06 dernier, à l’âge de 84 ans, après une
carrière riche et mouvementée.
Avant d’épicer
2 épisodes du Prisonnier avec son grain de folie si particulier,
l’acteur avait déjà croisé la route de McGoohan dans un village situé sur une
île soumise à un contrôleur, tiens donc, comme c’est étrange : c’était dans
le dernier épisode de Destination Danger, «Shinda Shima»,
où il jouait le rôle du méchant Richards chargé d’empêcher Drake et la jolie
Miho de s’échapper de l’île.
Dans le
Prisonnier, il fit 2 apparitions mémorables : il incarna tout d’abord
le n°2, alias Napoléon, alias le docteur Schnipps père de Sonia, la fille qui
était la mort, obsédé par sa tentative de destruction de Londres à l’aide de
son phare-fusée ; le côté assez déjanté de cet épisode parodique n’est pas sans
rappeler Drake dans le délirant «Obsession», et s’enchaîne assez
bien avec «le Dénouement» du Prisonnier qui a été
tourné immédiatement après.
Ce dernier épisode
doit beaucoup à Kenneth Griffith dans son rôle de Président du tribunal des
flagrants délires : on se souvient en effet que McGoohan était loin d’avoir
bouclé tout le script avant le tournage, et comme le rappelle l’article de la
BBC paru après la disparition de l’acteur (http://www.bbc.co.uk/wales/southwest/halloffame/showbiz/kennethgriffith.shtml),
McGoohan avait tellement confiance dans son talent qu’il lui laissa la liberté
d’écrire le discours-clé de son personnage, qui tenait une place centrale dans
le final de la série.
Une partie de
ce discours a été coupée au montage, ce dont McGoohan s’excusa auprès de Griffith
en lui offrant des livres de poésie irlandaise (cf. bien sûr L’idiot du
village de Patrick Ducher, chapitre IV), mais il n’en reste pas moins
que l’acteur a magnifiquement rendu l’ambiguïté de ce Président, très emphatique
dans son admiration pour le n°6 rendu à la liberté, et très ironique dans sa
façon de lui donner la parole tout en l’empêchant de s’exprimer.
Coïncidence
amusante, Griffith joua dans un autre Prisonnier bien des années
auparavant, en 1955 : c’était dans le film de Peter Glenville, où il partageait
l’écran avec Alec Guinness et Jack Hawkins. Brian Pendreigh dans son article
du 28/06 paru sur le site du Herald Tribune (http://www.theherald.co.uk/features/64903.html)
nous apprend qu’il se fit ensuite connaître par ses rôles de personnages
lâches auxquels on ne peut se fier, de pervers, de petit malfaiteur et d’homme
d’église, doté d’un accent gallois presque caricatural qui ne faisait pas
toujours le bonheur de ses compatriotes.
On le vit plus
récemment dans des rôles de vieil homme fantaisiste dans Quatre mariages
et un enterrement de Mike Newell (1994) et dans L’Anglais qui
gravit une colline et descendit une montagne de Chris Monger (1995).
Ce que l’on
sait moins, c’est que Griffith était également un artiste très engagé, notamment
dans les nombreux documentaires historiques qu’il écrivit et réalisa : peut-être
est-ce dû à ses origines galloises qu’il affirma haut et fort en abandonnant
le «s» anglais de Griffiths comme le rapporte encore le Herald ; peut-être
faut-il aussi se souvenir que l’acteur, né en 1921 à Tenby dans le Pembrokshire,
s’engagea dans la RAF entre 1940 et 1945 après ses 1ères expériences théâtrales
à l’Old Vic.
Toujours est-il
qu’il était tout sauf tiède. Il disait de lui-même, comme le rappellent encore
la BBC et le Herald : je suis un acteur mais ce que je suis
maintenant, c’est un prêcheur gallois. Je prêche des sermons sur l’Histoire
au travers de mes documentaires. On en trouvera la preuve dans ses films
sur la guerre des Boers dont il était reconnu comme un éminent spécialiste,
conflit qui sonna la fin de l’indépendance des colons néerlandais installés
en Afrique du Sud, après les interventions des Britanniques en 1880-1881 et
entre 1899 et 1902.
Dans d’autres
films il a revisité l’histoire de Napoléon, l’indépendance des Etats-Unis ou
encore la naissance de l’IRA, et ses points de vue peu anglophiles lui valurent
de solides inimitiés et même la censure pour certains de ses documentaires,
notamment celui sur l’Irlandais Michael Collins.
Comme il le
déclarait dans le magazine The Stage en 2001 (toujours cité par la BBC),
je suis complètement sur la liste noire de la télévision britannique comme
réalisateur. Mais j’ai un sourire sur le visage à cause de l’âge que j’ai et
du fait que je suis maintenant vieux et gâteux… Son ami Peter O’Toole résume
bien le personnage en déclarant qu’il n’y avait pas de moulin à vent contre
lequel il ne lutterait. Si Dieu est anglais, il risque de rire jaune…
Fin de partie
Dans la même
série morbide, Gerald Kelsey, scénariste de l’épisode «Echec et mat»,
est décédé durant le mois d’avril 2006. Outre Le Prisonnier, Kelsey
avait également écrit pour d’autres séries télé anglaises telle que Randall
and Hopkirk (Deceased), Jason King, et The Saint.
Il avait écrit
un autre scénario pour Le Prisonnier intitulé «Don’t get
yourself killed», qui avait été rejeté par Patrick McGoohan. L’idée
d’«Echec et Mat» lui était venue suite à un voyage en Allemagne
en 1959, voyage durant lequel il avait assisté à une partie d’échecs.
N°6 rencontre Batman
C’est
reparti les amis ! Ils reviennent ! Qui ça ? Les gremlins, les envahisseurs,
le n°6, les aliens, Superman, Batman, les réplicateurs, Jack Bauer, Terminator ?
Un point pour ceux qui ont répondu le n°6 et Batman puisqu’il y a désormais
un point commun entre les 2 héros en la personne de Christopher Nolan, réalisateur
du récent Batman Begins et désormais pressenti comme le futur
réalisateur de l’adaptation cinéma du Prisonnier.
Oui je sais,
on vous a déjà fait le coup, et vous avez déjà fait la moue, entre autres parce
que McGoohan n’a rien à voir là-dedans. Mais ca n’empêche pas la presse spécialisée
de s’exciter une nouvelle fois dans un chœur unanime : DVDRama
du 14/08/2006 (http://www.dvdrama.com/excessif/news.php?16350)
nous confirme ainsi que la série culte Le Prisonnier sera bientôt
adaptée sur grand écran, produite par les studios Universal et certainement
sous la houlette de Christopher Nolan, dans les petits papiers d’à peu près
tout le monde depuis son très réussi Batman Begins.
Avec Chapeau
Melon et Bottes de Cuir, Le Prisonnier représente la série culte
par excellence ; les deux séries ayant été produites au même moment et partageant
un bon nombre d’acteurs, de scénaristes et de réalisateurs. Elles sont pourtant
diamétralement opposées l’une de l’autre. Autant la première offre un plaisir
brut à son spectateur, autant Le Prisonnier est une série complexe qui
s’offre moins facilement. En 17 épisodes seulement, Patrick McGoohan a construit
une œuvre unique dans l’histoire du petit écran. Une œuvre fascinante qui a
su dépasser son simple statut d’objet télévisuel, tant dans sa forme que sur
le fond.
Le Parisien
du 12/08 confirme la nouvelle sans la développer, alors que le site belge DH
(http://www.dhnet.be/dhculture/article.phtml?id=153892)
revient sur la double reprise télé et cinéma, en précisant que pour le film
on ne connaît pas encore le casting. Le scénario, résolument contemporain,
sera écrit par David Peoples, à qui l’on doit notamment Blade runner
et Impitoyable. On lui doit aussi (avec ou sans Janet Webb Peoples)
Ladyhawke, L’armée des 12 singes ou encore Héros
malgré lui, comme le rappelle le site FilmdeCulte (http://www.filmdeculte.com/news/news.php?id=2740) :
reconnaissons qu’il s’agit là de références plus estimables que celles des précédents
adaptateurs putatifs (et parfois putassiers).
Et le journaliste
de conclure : cette adaptation, qui traîne depuis si longtemps à Hollywood,
semble en tout cas être parfaitement adaptée au style et aux obsessions de Nolan.
Croisons les doigts, ce que semble faire également le site belge de Cinopsis
(http://www.cinopsis.be/potins_full.cfm?lang=fr&ID=4212)
en confirmant que Christopher Nolan s’impose comme un choix judicieux, lui
qui avait gagné la célébrité avec Memento, qui mêlait problèmes de mémoires
et troubles de la personnalité dans une intrigue proprement tarabiscotée.
Mais comme un
chat échaudé craint l’eau froide, vous n’êtes pas les seuls à rester dubitatifs :
sur le site belge d’AdValvas (http://www.advalvas.be/fr/index.php?option=content&task=view&id=4988&Itemid=74),
un internaute anonyme s’écrie : aie aie aie. Encore un massacre de séries
en prévision. Le cinéma manque à ce point de bonnes idées qu’il faut reprendre
les vieilles séries TV ? Tandis qu’un autre s’interroge : je me demande
s’ils vont faire pire que l’adaptation ciné des Avengers (Chapeau
Melon & Bottes de Cuir). Le même scepticisme règne sur un des forums
des amateurs de cette dernière série (http://avengers.easyforum.fr/sutra9528-The-Prisoner-Le-Prisonnier.htm#9528).
Le rÔdeur
se propose d’arbitrer les paris d’ici le tournage possible en 2008 : vous jouez
combien ?
Premium TV, saison 2
La mauvaise
nouvelle, c’est que la prochaine édition du festival estival de séries télé
Premium TV (cf. les rÔdeurs n°53
et 54, 09-12/2005) est repoussée.
La bonne, c’est
que c’est pour la bonne cause, comme le confirme Oz, modérateur sur le forum
du Front de Libération télévisuelle (http://www.leflt.com/forum/viewtopic.php?p=152327&highlight=premium#152327) :
l’an dernier, pour sa seconde édition seulement, le Premium TV a accueilli
au total, sur trois jours de festival, plus d’un millier de participants, doublant
ainsi son audience initiale. Bien que comblés par ce succès, nous ne cachons
pas que cet enthousiasme général a provoqué quelques sueurs froides en termes
de sécurité comme de confort du public.
Les organisateurs
travaillent donc d’arrache-pied afin de pouvoir accueillir encore plus de public
dans un lieu adéquat, avec une programmation plus riche et moins linéaire
et donc forcément un budget plus conséquent. Et comme dans toute bonne série,
le dessinateur Guigui propose une version alternative assez décalée à ce changement
de planning : allez voir, c’est en page d’accueil du site du FLT (www.leflt.com)...
Un tour à Dinard
Le
17ème festival du film britannique de Dinard (http://www.festivaldufilm-dinard.com)
aura lieu du 5 au 8/10 prochain sous la houlette de l’ambigu et délirant François
Berléand, président du jury 2006. C’est l’occasion bien sûr pour les festivaliers
de découvrir des films très variés dans leur touche british, d’assister à des
avant-premières, de décerner des prix, mais aussi et surtout de savourer la
rétrospective consacrée cette année au… Prisonnier : wonderful,
isn’t it ?
Peu d’infos
sont encore disponibles sur le site à ce sujet, mais la
Feuille du festival dans son n°49 promet qu’elle lèvera le voile sur
le mystère du Prisonnier d’ici la fin septembre. La présence d’Hélène
Oswald (ex-8ème Art) est annoncée.
Dommage que
les contacts avec les organisateurs n’aient pas été à la hauteur de l’attente,
car après un premier contact précoce, ils se sont ensuite adressés le 18/07
au Club Lotus France car nous avons besoin de renseignements sur la
voiture conduite par le personnage principal: une Lotus Super 7. Super,
pas de problème, puisque le CLF n’ignore plus qu’un de ses adhérents
allie les 2 passions à la fois (cf. le rÔdeur n°55, 03/2006) et nous
transmet l’info illico.
Au bout du compte,
ni le CLF ni le rÔdeur ne seront présents, mais il y aura en revanche
le distributeur officiel des Caterham en France : il n’est pas sûr qu’il ait
envie de faire un compte rendu pour le prochain n°…
Doublage doublage
Les
éditions Objectif Cinéma, basées à Nantes, viennent de faire paraître
un ouvrage intitulé Rencontres autour du doublage des films et des séries
télé, qui semble très prometteur. Tout d’abord les auteurs ne sont pas
des inconnus des lecteurs de la revue, puisqu’on y retrouve notamment Maurice
Le Borgne, qui s’illustra lors des 2ème, 4ème et 5ème RFP par l’étendue
de son savoir sur la série appliqué aux jeux : Christian Delattre s’en souvient
encore depuis 1991 !
Comme lui, les
autres auteurs, François Justamand, Thierry Attard, et leur équipe composée
de Maxime Bomier, Laurent Girard, Bruno Lais, Maurice Le Borgne et Yves Rouxel,
journalistes, spécialistes, professionnels ou passionnés de doublage, s’intéressent
au sujet depuis de nombreuses années. Ils collaborent régulièrement au site
La Gazette du doublage, soutenu et abrité par la revue en ligne Objectif
Cinéma.
L’importance
du doublage n’est plus à démontrer, et les amateurs du Prisonnier
en savent quelque chose. Comme le dit dans la préface Roland Ménard, le comédien
qui a prêté sa voix à (…) Erroll Flynn, (…) Marcello Mastroianni
et Jack Lord dans Hawaï police d’Etat, (…) le doublage est un
art subtil, délicat, qui demande l’expression d’une personnalité en en fixant
les limites car la voix ne doit pas dépasser l’image tout en sachant donner
à un regard, à une larme, à un sourire, son expression vocale.
Peu de doubleurs
parviennent cependant à la notoriété de Jacques Balutin et Francis Lax dans
Starsky et Hutch ou de Claude Bertrand et Michel Roux dans Amicalement
Vôtre, pour ne citer que ces exemples emblématiques dans l’univers des
séries. L’ouvrage cherche donc à faire découvrir le doublage au travers de
rencontres avec de nombreux professionnels et ainsi rendre hommage à ces techniciens
et artistes parfois méconnus, mais sans lesquels notre culture cinématographique
ne serait pas enrichie.
De la naissance
du doublage aux Etats-Unis en 1928 jusqu’à son évolution en France et dans le
monde aujourd’hui, les auteurs retracent l’historique de cette technique passionnante
que détestait Jean Renoir, en détaillent tous les métiers et toutes les étapes,
avant d’offrir de belles rencontres avec 7 techniciens et 12 comédiens, parmi
lesquels Jean Berger (Patrick Macnee dans Chapeau melon et bottes de cuir,
Laurence Olivier) ou Laura Blanc (Jennifer Garner dans la série Alias).
Quid de notre
doubleur préféré, Jacques Thébault ? Et bien il ne fait malheureusement pas
partie des comédiens interviewés, ni des portraits développés sur le site d’Objectif
Cinéma (www.objectif-cinema.com),
bien qu’il y soit mentionné à plusieurs reprises et qu’il fasse partie des remerciements
dans l’ouvrage. Il est donc peu probable qu’on en sache beaucoup plus sur le
doublage de McGoohan que lors de la 4ème RFP en 1990 à Saint-Etienne,
où il en avait abondamment parlé comme invité d’honneur interviewé par Alain
Carrazé. Un certain Maurice Le Borgne écoutait attentivement…
Pour en savoir
plus, 2 solutions : vous rendre sur les pages internet consacrées au livre (http://www.objectif-cinema.net/mailing_rencontres.htm),
ou bien vous précipiter dans une bonne librairie pour l’acheter au prix très
raisonnable de 25 euros (ISBN : 2-915713-01-4, 220 p. N&B).